Un transportable en 3ème catégorie.
Depuis un an j’ai armé le T7 en 3 ème catégorie, ce qui est autorisé par la plaque du constructeur et l’administration.
L’équipage comprend, ma femme, la chienne qui dort dans la cabine arrière et moi. Après un long périple depuis Nantes jusqu’en Corse, nous voulions revenir quand le gros temps nous a bloqué une semaine à la Girolata, en Corse. Quand la météo s’est enfin arrangée, il a fallu faire vite pour rattraper le temps perdu. Nous avons donc décidé de faire une grande étape jusqu’à Toulon d’un coup. environ 120 ou 130 miles.
Départ sur une mer houleuse et une visibilité moyenne mais un vent maniable par le travers babord. Au bout de quatre heures la mer s’est assagie. Nous avons croisé régulièrement des voiliers et des vedettes qui montaient ou descendaient en Corse. La veille n’était pas difficile. Le pilote faisait bien son boulot, rien à dire. C’est très agréable de se retrouver seul au large quand les conditions s’y prêtent. Le bateau bien appuyé sur tribord permettait de faire une cuisine chaude, ce qui n’est pas toujours évident dans un petit voilier. En milieu d’après-midi je me fais une petite sieste pour préparer la nuit. Ma femme en fait autant plus tard. J’observe le temps, j’écoute La météo en VHF sur Monaco Radio et le Cross Med. Après le vent qu’on a eu trop souvent c’est plus prudent. Les prévisions sont bonnes. Le soir venu, nous nous apprêtons à assumer les quarts. Le soir tombe, le si beau ciel de la méditerranée devient violet puis violet foncé alors que les premières étoiles apparaissent. Dans ce ciel apparaît bien nette la voie lactée qui est si floue en Bretagne. Merveilleux. Ma femme se couche à 10 h Nous avons expérimenté les quarts de deux heures et ça nous convient, pour l’été du moins où les nuits sont courtes. Moteur est en avant 1/3 de puissance, (un HB 2T 6CV Suzuki) ça permet d’avancer quand le vent tombe, ce qui est le cas rapidement et aussi de maintenir les batteries chargées.. Il faut penser aux feux de route, à la veille VHF aux coups de projecteur, au sondeur éventuel, au GPS, au pilote... Bref à tout ce qui peut tirer du courant car nous projetons de continuer ensuite directement sur Port la Nouvelle si le temps le permet. Donc pas le temps de recharger après cette étape là. Le génois est roulé plus ou moins pour garder une bonne visibilité sur l’avant Il ne se passe rien, les feux d’autres bateaux apparaissent au loin très rarement. A minuit je vais réveiller ma femme qui prend son quart et je vais me coucher. La couchette disponible est la couchette sous le vent. Je me déshabille car rien de plus crevant que de dormir habillé. Réveil pas trop difficile pour le quart de 2 h De nombreuses étoiles filantes parcourent le ciel (nous sommes le jeudi 15 août depuis 5 minutes) Ma femme me signale des lueurs étranges à l’horizon loin devant. Un voilier nous remonte loin à babord... Bizarre ces lueurs, on dirait des coups de projecteur derrière l’horizon. Je décide de continuer le quart plus longtemps pour voir ce que c’est que ce mic mac. Vers 5 h du matin de nombreuses lueurs apparaissent devant. La veille devient très attentive, j’use les jumelles sans rien y comprendre. C’est quoi ces feux clignotants à droite ? A gauche ? Un bateau avance vers nous sur tribord. Rouge sur vert, il vient vers nous... puis, il tourne. Vers 5 h 30 c’est l’enfer ! Ca clignote de partout, ça va à droite, à gauche... je pousse un peu le son de la VHF que j’avais baissé pour ne pas réveiller ma femme. Le CROSS Med annonce 5 voiliers pris dans les filets dérivants, puis six. Il donne la position... Nous y sommes. On est en plein dedans. J’ai compris ! Les clignotants puissants sont les bateaux de pêche, le reste un mélange de bateaux de pêche sans clignotants, de filets et de voiliers ou autres. Heureusement que la mer est plate ! Par prudence, j’arrête le moteur HB et je le relève, je choque aussi le bout de la dérive et du safran qui peuvent ainsi se relever en cas de choc ou d’accrochage. Je mets le sondeur en route, deux énormes taches apparaissent à environ moins 150 m. j’apprendrai plus tard que ce n’était pas un filet dérivant mais une senne tournante et que ce que j’ai vu au sondeur était probablement la poche. Le génois est déroulé. A la voile, doucement, dans le jour à peine naissant nous croisons trois voiliers englués dans les filets. L’un tente de se dégager en manœuvrant en rond, les deux autres ont renoncé et les équipages semblent dormir en attendant le jour. Le CROSS a contacté les pêcheurs qui répondent qu’ils iront voir quand il fera jour. Sympathiques les mecs. C’est là qu’on ne regrette pas d’avoir un dériveur intégral et en plus un petit bateau. Le jour levé, nous commençons à voir au loin les îles de Porquerolles. J’ai réveillé ma femme en retard car je ne voulais pas l’angoisser au milieu de cette embrouille. Le vent devenu portant on hésite à envoyer le spi mais je vois que la mer se noircit sur tribord au loin. Du vent ? Méfiance...Nous courons contre quelques voiliers qui sont sur la même route. Un gros sur tribord a envoyé son spi. J’essaie de voir ce qui va arriver. Ca ne manque pas, c’était bien du vent. Le gros part au tas, le spi en vrac. On a bien fait de se méfier. En arrivant sur Porquerolles le vent a franchement monté, de 5 il passe à six, puis probablement 7 car les gros au près sont sur foc inter et deux ris. Ma femme est inquiète, nous avons eu une très grosse peur en Gironde il y a un mois du côté du banc de la mauvaise et elle est restée choquée. Heureusement, c’est du portant, on roule 1/3 de foc et on fonce. On a juste une alerte à la pointe de Porquerolles, on tombe sur un groupe de plongeurs et il faut lofer en catastrophe en plein surf ! Hum ! Ca secoue et ça mouille. Ensuite, sorti de Porquerolles le vent tombe, le soleil est éclatant comme toujours par ici et nous entrons à St Mandrier juste comme le vent tourne. Il est 16 heures. Ca fait 30 heures qu’on est parti. La chienne va enfin pouvoir aller pisser.
Est-ce bien raisonnable ?
Kaj